Honoré de Balzac, Peines de coeur d’une chatte anglaise, 1840. (in Scène de la vie privée et publique des animaux)

 «J’aperçois alors, sans avoir l’air de le regarder, ce charmant matou français : il était ébouriffé, petit, gaillard et ne ressemblait en rien à un Chat anglais. Son air cavalier annonçait, autant que sa manière de secouer l’oreille, un drôle sans souci. J’avoue que j’étais fatiguée de la solennité des Chats anglais et de leur propreté purement matérielle. Leur affectation de Respectability me semblait surtout ridicule. L’excessif naturel de ce Chat mal peigné me surprit par un violent contraste de tout ce que je voyais à Londres.»

Lors de sa publication le texte fut accueilli avec enthousiasme par la gentry anglaise qui en comprenait l’humour au second degré. 

Beauty, une chatte magnifique, qui a échappé à la noyade d’une portée de chats parce qu’elle a un poil blanc étincelant, est d’abord recueillie chez une vieille fille qui l’instruit des règles de vie victorienne, d’une absolue rigidité. Il n’est pas question de faire pipi sur le tapis (même si possible, ne pas faire pipi du tout). Pas question non plus de manger en public, pas question d’indiquer d’une manière ou d’une autre les besoins du corps, et même, il est bon de n’avoir pas de corps. Toute chose naturelle étant improper y compris le pantalon et le derrière qui portent le nom d’innommable.

Très déprimée, Beauty est heureusement sauvée de cet enfer par une jeune fille de haute naissance qui est délicieuse avec la chatte, mais très capricieuse dans le choix de ses maris. Dans le défilé des prétendants se trouve un pair qui semble faire l’affaire de la jeune fille et qui possède un chat persan : Puff, plutôt vieux, victorien, et doté d’un peu d’embonpoint. Il s’ensuit des réunions de chats où l’on discute politique, vie sociale, société, élégance etc. Jusqu’au jour où arrive Brisquet, petit chat français dragueur et un peu apache qui parvient non seulement à draguer Beauty, mais aussi à l’amuser en l’entraînant sur les gouttières (très improper le chat français). Beauty l’adore, mais son éducation l’empêche de le lui avouer (improper), et Brisquet est assassiné par le matou persan et sa bande, au grand désespoir de Beauty.

 

Photo : Joy the cat par © Descouleurs Etdesmots

"Il est des portes sur la mer que l'on ouvre avec des mots."

Rafaël Alberti (1902 -1999). Poète et dramaturge espagnol ayant quitté l'Espagne franquiste revient au pays à la demande du jeune roi Juan Carlos ( 1975) en disant "J'ai quitté le pays le poing fermé parce que c'était la guerre. Je reviens le poing ouvert, tendue vers l'amitié de tous."

 

Pour en savoir plus, consulter : 

- Chez Gallimard - coll. poésie le volume "Marin à terre, suivi de L'Amante et L'Aube de la giroflée."


- L'article de Linka Spintzler "Un poète à la mer, Rafael Alberti."

 

 

Photo :© Descouleurs Etdesmots entre deux eaux...

Le Mémorial - cité de l'histoire pour la paix, à Caen- accueille la sculpture de Seward Johnson "Unconditional surrender" («reddition sans condition») rebaptisée «The kiss».

 

Oeuvre monumentale aux mensurations vertigineuses : 7,62 mètres de hauteur pour plus de 13 tonnes de bronze a été inspirée de la photo "V-J day in Time Square" d'Alfred Eisenstaedt, photo journaliste pour le magazine Life

La Sculpture Foundation (Santa Monica) a confié ce baiser monumental au Mémorial pour 1 an. Cette structure a but non lucratif a pour vocation d'éduquer et de faire découvrir l'Art Public au plus grand nombre.

 

Elle représente un marin américain enlaçant une infirmière à New York le jour où le Japon dépose les armes (V-J signifie victory over Japan). Le magazine Life publie cette photo le 25 août 1945 pour illustrer la fin de la guerre du pacifique.

 

En la reproduisant en 3D, Steward Johnson a donné vie à une photo mondialement connue. "Unconditional surrender" a été exposée à travers les Etats Unis (Californie,  Floride, état de N.Y.et l'Europe (Italie).

 

© Descouleurs Etdesmots 

Alexandra David-Neel, Journal de voyage, Lettres à son mari août 1904-décembre 1917. Editions Plon.

«(...) Je ne t’en dis pas plus ce soir, la fatigue brouille mes idées, je ne fais que monter et descendre les escaliers depuis ce matin.
Je suis démoralisée. Je deviens idiote, mon cerveau trop surmené enfante des rêvasseries ineptes de gamine.
Je regrette bien sincèrement de ne pas croire à quelques religion bien absurde en laquelle je puisse m’absorber.
C’est un invincible besoin pour les yeux trop clairvoyants d’oublier la hideur des autres et de soi-même en la contemplation d’une lanterne magique les promenant en pleine fantasmagorie.
Je ne sais plus ce que je dis. Bonsoir monsieur Alouch.»



Le monde des lettres a connu nombre de couples étranges, cependant, il y en eut peu d’aussi singulier que celui d’Alexandra David-Néel et de Philippe Néel, son mari. Il demeurait fixé à Tunis, où l’attachaient ses fonctions. Alexandra David-Néel (avec sa bénédiction et son aide financière) poursuivaient ses études et ses rêves à travers l'Inde, le Népal et le Tibet. Nous étions en 1917. Elle promet de regagner le domicile dans dix-huit mois mais ne revient que quatorze ans plus tard...en compagnie de son compagnon d'exploration, A. Yongden dont elle devait faire son fils adoptif en 1929.
À cent ans et demi, elle demande le renouvellement de son passeport !
Elle meurt en 1969 à presque 101 ans. Ses cendres sont transportées par sa fidèle secrétaire M.Peyronnet pour être dispersées avec celles de son fils adoptif dans le Gange.

 

(Photo :©  Jacquelyn Martin, Korea)

Hommage à Monsieur Pierre de Ronsard,

né le 11 Septembre 1524 - Réponse aux injures et calomnies (Extrait) 

 

" ...Car si l'après-disnée est plaisante et sereine, 

Je m’en vais promener en un village, et tantôt en un bois, 

Et tantôt par les lieux solitaires et cois :

J’aime fort les jardins qui sentent le sauvage,

J’aime le flot de l’eau qui gazouille au rivage.

Là devisant sur l’herbe avec un mien amy,

Je me suis parmi les fleurs bien souvent endormy

À l’ombrage d’un saule, ou, lisant dans un livre, 

J’ay cherché le moyen de me faire revivre,

Tout pur d'ambition et des soucis cuisants,

Misérables bourreaux d'un tas de mesdisans

Qui font, comme ravis, les prophètes en France, 

Pipans les grands seigneurs d'une belle apparence...."

 


 

Photo :©  Descouleurs Etdesmots - Najac été 2014. 


 

« Photographier c’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l’oeil et le coeur. C’est une façon de vivre. 

L’appareil photographique est pour moi un carnet de croquis, l'instrument de l’intuition et de la spontanéité, le maître de l’instant qui, en termes visuels, questionne et décide à la fois. »Henri Cartier-Bresson (1908- 2004) 

« Henri Cartier-Bresson est l’oeil d’un siècle. Raconter sa vie, décrypter son oeuvre c’est d’abord écrire l’histoire d’un regard.

En déambulant dans son siècle , le regard de ce promeneur lucide a saisi la fascination de l’Afrique des années 1920, croisé les destins tragiques des républicains espagnols, accompagné la Libération de Paris, capté la lassitude de Gandhi quelques heures avant son assassinat et témoigné de la victoire des communistes chinois.

Il fut aussi l’assistant de Jean Renoir pour trois films majeurs. En 1947 il fonde avec Robert Capa l’agence Magnum, la plus prestigieuse des agences photos. C’est encore celui qui a fixé les traits de ses contemporains : Mauriac, Giacometti, Sartre, Faulkner ou Camus, et tant d’autres saisis à l’instant décisif, autant de portrait pour l’éternité.

 

Pierre Assouline, Henri Cartier-Bresson, l’oeil du siècle, 

Photo :©  agence Magnum

Paul Éluard (1895-1952) adhère au dadaïsme et est l’un des piliers du surréalisme en ouvrant la voie à une action artistique engagée. En Suisse, au sanatorium de Davos, il rencontre une jeune russe, Helena Diakonova, qu’il surnomme Gala avec qui il partagera aussi sa vie de poète.

À la fin de la première guerre mondiale , il s’oriente vers  une profonde remise en question du monde : il rejoint le mouvement Dada dans l’absurdité, la folie, la drôlerie et le non-sens. C’est ensuite le surréalisme qui lui donnera son contenu. Juste avant les surréalistes, les dadaïstes font scandale. Éluard, ami intime d’André Breton, est de toutes les manifestations dada.

Dans sa propre revue "Proverbe" il s'attaque aux prblèmes du langage qu'il considère comme un but. En 1924, il embarque à Marseilles pour un tour du monde, la veille de la sortie de son recueil "Mourir de ne pas mourir." Huit mois plus tard, de retour à Paris, il rejoint de suite André Breton et participe au pamphlet "Un cadavre" écrit par les surréalistes en réaction aux funérailles nationales faites à Anatole France.

Paul Éluard se plie à la règle surréaliste résumée par cette phrase du Lautréamont : « La poésie doit être faite par tous, non par un ». 

Quelques de ses écrits :

  • Avec Benjamin Péret, « 152 poèmes mis au goût du jour ». 
  • Avec André Breton, « Au défaut du silence » et « L’Immaculée Conception ». 
  • Avec  André Breton et René Char, « Ralentir travaux ».
  • Seuil : « Capitale de la douleur » (1926) et « L’Amour la poésie » (1929).

Dès 1925, il soutient la révolte des Marocains et en janvier 1927, il adhère au parti communiste français, avec Louis Aragon, Breton, Benjamin Péret et Pierre Unik. En 1931, il s’insurge contre l’Exposition coloniale organisée à Paris et signe un tract où est écrit : « Si vous voulez la paix, préparez la guerre civile ». Exclu du parti communiste, il continue sa lutte pour la révolution, pour toutes les révolutions.

Ambassadeur du surréalisme, il voyage dans toute l’Europe. À Prague en mars 1935, avec Breton, où ils sont chaleureusement accueillis, l’organe du parti communiste hongrois les présente comme deux poètes, les plus grands de la France contemporaine. En Espagne en 1936. Il apprend le soulèvement franquiste, contre lequel il s’insurge violemment. L’année suivante, le bombardement de Guernica lui inspire le poème « Victoire de Guernica ». Pendant ces deux années terribles pour l’Espagne, Éluard et Picasso ne se quittent guère. Le poète dit au peintre : « Tu tiens la flamme entre tes doigts et tu peins comme un incendie ».

En 1943, avec Pierre Seghers et Jean Lescure, il rassemble les textes de nombreux poètes résistants et publie « L’Honneur des poètes ». Face à l’oppression, les poètes chantent en chœur l’espoir, la liberté. C’est la première anthologie d’Éluard où il montre sa volonté d’ouverture et de rassemblement. À la Libération, il est fêté avec Louis Aragon comme le grand poète de la Résistance.

La perte de Nusch sa deuxième compagne l’affecte terriblement (1946). Quelques amis lui redonne force dans l’amour de l’humanité. Il particpe à plusieurs congrès internationaux en tant que représentant de la poésie française. 

Il succombe à une crise cardiaque en 1952. Le gouvernement refuse les funérailles nationales. Robert Sabatier déclare : « Ce jour-là, le monde entier était en deuil ».

 

Franz Marc (1880-1916) est l’un des principaux représentants de l’expressionnisme allemand. Peintre animalier, graveur, pastelliste, aquarelliste, lithographe, écrivain, il fait partie du groupe Der Blaue Reiter (1911) Il décède à Verdun sur le champ de bataille , tout comme son grand ami, August Macke.

 

«Y a-t-il idée plus mystérieuse pour un artiste que de s’imaginer la manière dont la nature se reflète dans les yeux d’un animal.»

Franz Marc

(illustration : Die großen blauen Pferde)

 
 

Installé à Bonn, August Macke demeure un des plus grands représentants de l’expressionnisme rhénan. 

 

Très ami avec Franz Marc ( et ce tout au long de sa courte vie - voir post de la semaine dernière ) il expose en 1912 avec ce dernier, à l'exposition dite "du cavalier bleu » (Der Blaue Reiter). Cependant la quête spirituelle de ce mouvement ne le satisfait pas.

Des peintres comme H. Matisse, A. Derain, R. Dufy, M. de Vlaminck l’influencèrent considérablement et les toiles de du début de cette nouvelle période sont définitivement fauves.

Avec P. Klee et L. Moillet, il fit un court voyage en 1914 en Tunisie qui modifia à toujours sa façon de peindre. Il peint de nombreuses aquarelles et utilise la photographie comme support pour d’autres peinture à l’huile. 

August Macke est mobilisé la même année et tué sur le champ de bataille (comme son ami Franz Marc) en Champagne, à l’âge de 27 ans, laissant derrière lui une collection de plus de cinq cent oeuvres. 

 

Voici le dernier paragraphe de l’avant-propos de l’almanach Der blaue Reiter dactylographié par Franz Marc en 1911...

 

« Es sollte wohl überflüssig sein, speziell zu unterstreichen, daß in unsereme Falle, das Princip des Internationales das einzig mögliche ist. Heutzutage muß aber auch das bemerkt werden : das einzelne Volk ist einer des Schöpfer des Ganzen und kann nie als Ganzes angesehen.

Das nationale Element, ganz wie das einzelne Element, spiegelt sich natürlich in jedem großen Werk. Aber diese Färbung ist schließlich sekundär.

Das Werk in seiner Gesamtheit, was man die Kunst nennt, kennt keine Grenzen, als auch keine Völker sondern die Menschheit. »

 

« Il va de soi que, dans notre cas, le principe international est l’unique possible. Il est cependant nécessaire aujourd’hui de noter que chaque peuple n’est qu’un créateur de l’ensemble et ne peut être considéré lui-même comme ensemble. 

L’élément national, tout comme l’élément individuel, se reflète naturellement dans toute grande oeuvre. Mais cette coloration est finalement secondaire. 

 L’oeuvre dans son ensemble, ce qu’on appelle l’Art, ne connaît ni frontières, ni peuples mais l’humanité. » 

 

Illustration : Dame in grüner Jacke - Femme à la veste verte